Droit international : La procédure comme stratégie judiciaire des parties
- Inconnu
- 16 juil. 2015
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C’est un lieu commun que d’affirmer que la procédure peut être utilisée par les parties
comme un instrument participant d’une stratégie judiciaire. L’affaire est entendue dans les
procès internes. Peut-être l’est-elle un peu moins dans le procès interétatique. Il est pourtant
particulièrement éclairant de relever que certaines parties ont eu l’occasion de pratiquer de
véritables stratégies dilatoires en recourant à plusieurs techniques visant à allonger les délais
du procès. L’une de ces techniques consiste à utiliser de façon abusive les procédures
incidentes. Le déroulement de la procédure devant de la C.I.J. est, en effet aujourd’hui, en
grande partie retardée par les multiples possibilités offertes (interprétation préliminaire,
requête en interprétation, délais de procédure déjà longs per se et délais supplémentaires pour
la rédaction de contre-mémoires, demande reconventionnelle). Ces dernières impliquent en
soi l’allongement des délais puisque la Cour doit statuer in limine litis sur ces points avant de
pouvoir se prononcer sur le fond de l’affaire. Or, comme le signale M. Bedjaoui, l’incidence
aboutit à créer « une affaire dans l’affaire » puisqu’elle « doit suivre toutes les étapes écrites
et orales, contradictoires ou délibératoires, d’une procédure au fond ». De nos jours, et
contrairement à la pratique antérieure, les Etats utilisent les procédures incidentes de façon
quasi-systématique. Or, de deux choses l’une : soit les Etats utilisent à bon escient ces
procédures et l’accroissement actuel de leur recours est purement statistique ; soit ils les
utilisent, pour certains, de manière contraire aux buts en vue desquels elles ont été prévues.
Cette dernière hypothèse semble être confirmée par la croissante propension des demandeurs
à introduire leurs requêtes en y joignant simultanément une demande en indication de mesures
conservatoires sans qu’un préjudice irréparable ne se présente ou sans qu’aucun danger quant
à l’aggravation de la situation ne puisse être clairement identifié. Il en va de même pour
l’invocation d’une exception préliminaire d’irrecevabilité. La raison en tient à ce que le retard
dans la procédure peut être un objectif tacitement recherché par le demandeur et/ou le
défendeur. Il serait en effet réducteur de croire que cet « éloge de la lenteur » ne soit le fait
que d’une seule partie au différend. Les manoeuvres dilatoires peuvent au contraire participer
d’une tactique adoptée conjointement par les parties à l’égard de l’issue judiciaire de leur
différend. Comme le remarque avec lucidité le juge M. Bedjaoui, « l’un des principaux
attraits du règlement judiciaire international est sa lenteur et la possibilité qu’il offre de
pouvoir différer autant que possible la solution d’un problème épineux ».
L’allongement de la durée de la procédure peut par ailleurs être lié à l’inflation des
pièces écrites. Celui-ci rend compte de l’effet pervers que recèle notamment la présentation
d’une affaire par voie de compromis. La simultanéité de présentation des pièces écrites dans
cette hypothèse (mémoires et contre-mémoires, répliques, voire dupliques) conduit en effet
chaque partie à « développer ses arguments un peu à l’aveuglette et en supputant les moyens
que son adversaire cherchera à faire valoir. Il en résulte parfois des mémoires inévitablementadverse est en train de les utiliser à son tour et à son avantage ». La majoration de la duréedu procès devant la C.I.J. peut de surcroît résulter de l’allongement de la phase orale duprocès. A titre d’illustration, on peut citer l’Affaire relative à l’application de la Conventionpour la prévention et la répression du crime de génocide, où la Yougoslavie a sollicité de laCour l’audition de plus de 540 témoins.Face à cette stratégie développée par certaines parties qui consiste à utiliser de manièreabusive toutes les possibilités ouvertes par le Statut et le Règlement, la C.I.J. peut, sansrefuser toute demande de prolongation des délais, n’y faire droit que partiellement afin de nepas retarder indûment le règlement de l’affaire.La Cour est malheureusement assez largement dépourvue de moyens pour empêcher unEtat d’utiliser toutes les ressources que lui offre son Statut et son Règlement pour freiner laprocédure. Toutefois, on note depuis ces dernières années une volonté des juges du Palais dela Paix de modifier leurs méthodes de travail dans le but d’accélérer la procédure et l’examendes affaires qui leur sont soumises. Il reste qu’en toute occurrence, les juges se doivent deprendre leurs responsabilités648 afin d’éviter toute obstruction et afin de faire face auxcomplications procédurales orchestrées par les parties comme, par exemple, celle dudemandeur qui multiplierait les demandes alimentant le procès.
gonflés par des hypothèses qui ne paraissent devoir leur inclusion qu’au soupçon que la partie
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